dimanche 24 avril 2016

Analyse...

"Celui qui se vante, comme étant au-dessus des autres, tiendrait en déshonneur de ne pas faire quelque chose de plus que les autres, montrant qu'il est plus avancé que tous les autres. Ce que recommande la règle commune du monastère ou les exemples des anciens (cf. RB 7, 55) ne lui suffit donc pas. Cependant il ne s'applique pas à être plus méritant, mais à le paraître; il se donne de la peine, non pour mieux vivre, mais pour en avoir l'air, afin de pouvoir dire: 'Je ne suis pas comme le reste des hommes' (cf. Lc 18, 11). Il se félicite davantage pour un jeûne qu'il fait pendant que les autres mangent, que s'il jeûnait sept jours avec tout le monde. Une seule oraison particulière lui semble plus favorable que la psalmodie de toute la nuit. Tout en mangeant, il jette les yeux d'une table à l'autre, se lamente d'être vaincu s'il en voit un qui mange moins que lui, et commence à se soustraire cruellement à lui-même ce qu'il avait cru devoir s'accorder comme nécessaire; car il craint plus le tort fait à sa gloire que les tiraillements de la faim. S'il en voit plus maigre ou plus pâle que lui, il estime n'avoir rien fait; il n'a jamais de repos. Ne pouvant voir lui-même quelle mine il offre aux regards, il contemple ses mains et ses bras, se palpe les côtes, se tâte les cuisses et les reins: selon qu'il sentira ses membres plus ou moins faibles, il devinera la pâleur ou la coloration de son visage. Il est vaillant pour toutes ses entreprises personnelles, paresseux pour les exercices communs. Il veille dans son lit, dort au choeur; et après avoir somnolé toute la nuit à matines pendant que les autres chantaient, il reste seul à l'oratoire quand les autres se reposent dans le cloître. Il crache, tousse; de son coin, ses gémissements et ses soupirs viennent remplir les oreilles de ceux qui sont assis dehors. Or, ces choses qu'il fait seul, mais qui ne mènent à rien, font grandir sa réputation parmi les frères qui manquent de jugement et qui naturellement jugent selon ce qu'ils voient au dehors, mais ne discernent pas l'intention. Ils canonisent le malheureux, et par là le jettent dans l'illusion". 
St Bernard de Clairvaux
"Sur les degrés d'humilité", § 42


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